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L’exposition à ciel ouvert du Centre de la Martinique

L’exposition à ciel ouvert du Centre de la Martinique

Comme beaucoup d’îles de la Caraïbe, la Martinique est plébiscitée par les touristes pour ses plages de sable blanc et ses forêts luxuriantes, mais pas seulement. Pérégrinations dans le centre de l’île à la découverte de joyaux artistiques et architecturaux.

Le Centre de la Martinique ouvre l’île sur le Monde, cumulant ports, aéroport et terminal de croisière. Ses villes – Fort de France, Le Lamentin, Saint-Joseph et Schœlcher – ont vu naître ou ont inspiré de grands noms de la littérature : Patrick Chamoiseau, Aimé Césaire, Édouard Glissant, Raphaël Confiant, Marie-Reine de Jaham, Tony Delsham, Georges Mauvois, Frantz Fanon… Le Centre semble un terreau fertile pour l’imaginaire. Nous nous en nourrirons.

LE LAMENTIN, TERRE DE CONTRASTES. ~ C’est dans la commune la plus vaste de la Martinique que nous entamons notre route : Le Lamentin, traversé par La Lézarde la rivière la plus longue de la Martinique. Le poumon économique de l’île, royaume du shopping et des affaires, abrite aussi quelques trésors. A l’un des points d’entrée du bourg, une fresque gigantesque et colorée conte l’Histoire du territoire. Elle a été réalisée en 2006 sur le mur du cimetière par des artistes cubains et martiniquais dans le cadre des 10 ans du jumelage de la ville avec Santiago de Cuba. Plus loin, Place André Aliker on s’arrête longuement devant « le choc des deux mondes », une fresque murale de 100 mètres réalisée par l’artiste Khokho René-Corail. Elle retrace en 13 panneaux illustrés en ciment blanc, l’histoire coloniale de la Caraïbe et des Amériques en commençant par l’évocation des peuples amérindiens. A proximité, une autre histoire est contée par l’église Saint-Laurent, érigée à la fin du 17e siècle. Elle renferme des vitraux inscrits à l’inventaire des monuments historiques. L’édifice présente également un autel en marbre blanc avec gradins et tabernacle attribué à Béraud, marbrier du Puy et daté de 1878. De part et d’autre du porche, s’affichent deux toiles monumentales du Père Arostéguy (1887-1956) sur la résurrection.

De gauche à droite: 1.Église Saint-Joseph – 2. Aérostèle à St-Joseph signée Hector Charpentier – 3.Église Saint-Laurent du Lamentin – 4-.Fresque au Lamentin signée KhoKho René
Corail – Crédits photos : 1, 3, 4. Office de Tourisme Centre Martinique – Henri Salomon – Hugues Moray. 2. Communauté d’agglomération du Centre de la Martinique

PETITES MERVEILLES DE SAINT-JOSEPH. ~ Baignée par la Rivière Blanche, Saint-Joseph abrite la plus vaste aire forestière de la Martinique. Son église affiche près de 70m de longueur. Construite au 19e siècle et restaurée au cours du 20e, elle présente un style basilical avec une influence gothique. Son gigantisme est le résultat de déboires passés : le 1er édifice avait été détruit par un cyclone en 1891. Le second a vu son toit emporté par le cyclone de 1903. Les autorités décident alors de choisir une structure plus résistante. Le résultat est magistral. En sortant du bourg, nous découvrons une aérostèle érigée en mémoire des 152 Martiniquais disparus en 2005 dans un crash aérien lors d’un voyage au Panama. « L’Elévation », c’est son nom, est l’œuvre du peintre et sculpteur martiniquais de renommée mondiale Hector Charpentier. Une halte en forêt s’impose. A proximité, un gite nous accueille.

LES MURS D’ART A SCHOELCHER. ~ Le lendemain, nous quittons la végétation luxuriante de Saint-Joseph pour les paisibles bords de mer de Schœlcher, la ville qui a vu grandir Jocelyne Béroard, célèbre chanteuse du groupe Kassav. Ici le street-art a trouvé son terrain d’expression. En se promenant dans les rues l’on découvre çà et là des tags et fresques pour certaines spectaculaires : les fresques réalisées par les artistes Claude Cauquil et Mickaël Caruge, la peinture murale amérindienne du stade municipal, les petites perles d’artistes qui habillent les alentours de la Place des Arawaks… Un festival haut en couleur et d’une grande maîtrise dont on n’a pas fini d’apprécier les contours. L’escale vaut bien un jour, le temps aussi de profiter de la tranquillité d’un bain de mer.

Fresque à Schoelcher, créée par Claude Cauquil et Mickaël Caruge pour le Projet “L’Art dans la Ville” – Crédit photo : Communauté d’agglomération du Centre de la Martinique
Le Théâtre de Fort-de-France – Crédit photo : Shutterstock

CHOC DE STYLES EPOUSTOUFLANTS A FORT-DE- FRANCE. ~ Au 3ème jour, direction Fort-de-France, « Foyal » comme disent ses habitants. Ici nous marchons sur les pas du poète et écrivain Aimé Césaire, Maire de la ville de 1945 à 2001. Peu avant son départ, il occupait encore son bureau de l’ancien Hôtel de ville, devenu théâtre municipal. Le bâtiment en pierre, de style néo- classique aux décors de frises dentelées, a été inauguré en 1901. La salle de théâtre à l’italienne a accueilli et accueille encore des acteurs et pièces de renom. Protégé au titre des monuments historiques, l’édifice est remarquable.

Quelques minutes à pieds, nous restons yeux écarquillés devant la singulière bibliothèque Schœlcher, face à la Savane de Fort-de France. Constituée de verre et de fer, elle mêle Art nouveau et influences byzantines, égyptiennes et néoclassiques. Elle est l’œuvre de l’architecte Pierre-Henri Picq, contemporain de Gustave Eiffel. Construite en 1887 dans le jardin des Tuileries à Paris, elle a été démontée, transportée par bateau puis remontée en 1893 à Fort- de-France. Le squelette en métal du bâtiment rappelle celui de la Cathédrale Saint-Louis conçue par le même architecte.

Dressée dès 1891, cette dernière mêle donc néogothique et romano-byzantin. Elle mesure 66 mètres de long sur 24 mètres de large. L’on peut y admirer le décor floral intérieur et plusieurs pièces anciennes comme la chaire à prêcher en bois sculptée de la fin du 19e siècle. L’ensemble est classé aux monuments historiques. Les vitraux sont l’œuvre du peintre-verrier Néret et datent de la même époque. Magistrale, la cathédrale se dévoile de mille manières aux visiteurs attentifs.

La Cathédrale Saint Louis de Fort-de-France / Le Fort Saint Louis à Fort de France / La Bibliothèque Schoelcher à Fort-de-France – Crédits photos : Shutterstock

UNE HISTOIRE AU PRESENT. ~ Nous laissons cette atmosphère de plénitude et de grandeur pour rejoindre le front de mer. Au programme : visite guidée de l’impressionnant Fort Saint Louis. Ce fort militaire français de type Vauban a été construit par à-coups entre 1639 et 1710. C’est un promontoire rocheux de près de 600 m de long par 100 m de large. Il a été creusé, retaillé et habillé d’andésite pour s’élever à 40 mètres des flots. Appelé « Fort Royal » avant 1802, il a conservé sa vocation militaire et accueille encore le siège du commandement de la Marine nationale aux Antilles. Vous pouvez vous aussi y voyager dans le temps dans un dédale de bastions, casemates (bunkers) et chemins de ronde. Nous terminons la visite par la
contemplation de la baie de Fort de France, classée parmi les plus belles baies du
monde lors du salon World Travel Market de Londres en 2012. Et le soleil se couche.
Cette plongée d’esthète dans le cœur patrimonial de l’île mériterait d’autres
étapes tant ces villes ont à offrir en matière d’Art et d’architecture. Nous avons déambulé dans des cadres idylliques par de petits et grands détours : Jardin de Balata à Fort-de-France et à proximité la splendide basilique du Sacré Cœur, Forêt Coeur Bouliki à Saint Joseph, mangrove de palétuviers de Port Cohé au Lamentin et points de vue en bord d’eau à Schœlcher… Une mosaïque de paysages et d’ouvrages pour un séjour contemplatif.

Agnès Monlouis-Félicité

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