Now Reading
LANCEMENT DE LA « KAZ À CONDÉ » EN GUADELOUPE, MULTIDIMENSIONNELLE, À L’IMAGE DE L’ÉCRIVAINE

LANCEMENT DE LA « KAZ À CONDÉ » EN GUADELOUPE, MULTIDIMENSIONNELLE, À L’IMAGE DE L’ÉCRIVAINE

Maryse Condé

Le 10 et 11 février dernier, au Pavillon de la ville de Pointe-à-Pitre, a eu lieu le lancement de la Kaz à Condé. A la fois association et maison d’activités, elle a pour but de valoriser et de transmettre la vaste contribution et la pensée de l’éminente écrivaine Maryse Condé. Une initiative portée par sa fille, Sylvie Condé que nous avons rencontrée.

Légende : 1. Sylvie Condé, fille de Maryse Condé. 
Crédit photos : © Famille Condé.

ONAIR- Sylvie Condé, pourquoi avez-vous décidé de porter ce projet ?
Sylvie Condé 
– J’ai toujours voulu faire une association à dimension planétaire et multiculturelle en Guadeloupe dans divers domaines, dans le prolongement des écrits de Maryse Condé. Je suis très admirative des écrits de ma mère et j’estime qu’elle a eu une œuvre tellement importante et structurante qu’il faut une association pour la promouvoir. Comme le suscitent les écrits de ma mère, la Kaz à Condé (ndlr : la Maison de Condé en créole) permettra l’émergence de débats de réflexions sur des sujets nécessaires à la construction identitaire et à l’enrichissement de la pensée critique.

OA – L’on a vu lors de l’inauguration à quel point ce projet suscite l’adhésion…
SC 
– Maryse Condé est une femme qui a su toucher une large frange de la popuplation guadelouppéeenne de part ses écrits. Je voulais me sentir entourée pour porter ce projet et cela par ses amis poètes, écrivains, politologues …. Nous avons récemment discuté avec des universités pour mettre en place un comité scientifique. Nous souhaitons organiser des colloques sous la direction d’universités internationales prestigieuses comme l’Université des Antilles, la Columbia University, la Berkley University, la West Indies University, avec l’Université de Guyane ou le Schomburg Center.

OA – Les activités vont effectivement au-delà de la littérature.
Nous connaissons pourtant sur-tout Maryse Condé l’auteur …
SC 
– Elle avait de nombreux dons, culinaires par exemple, et une grande ouverture. La Kaz à Condé doit être un lieu convivial d’échanges qui soutienne les auteurs et artistes partageant la pensée académique de Maryse Condé. Cela se fera à travers des rencontres littéraires, des conférences, des expositions artistiques, des spectacles, projections de films, pièces de théâtre et concerts. Nous voulons par ailleurs contribuer au développement éducatif et culturel des jeunes. Ainsi la « Bibliothèque vivante » composée d’œuvres de Maryse Condé et d’auteurs partageant sa vision permettra des rencontres avec des élèves et étudiants.

OA – La Kaz a Condé s’est installée au Pavillon de la Ville de Pointe-à-Pitre. Pourquoi ce choix ?
SC 
– Je travaille concrètement depuis 2 ans sur le sujet car c’est un gros projet et j’ai dû convaincre les institutions de m’aider à trouver un lieu. Avec la mairie de Pointe-à-Pitre qui est notre partenaire, nous sommes tombés d’accord sur ce mini pavillon qui est un haut lieu du patrimoine et de la culture. Nous investissons le premier étage pour l’instant.

Déjeuner de famille à Gordes durant l’été 2021 dans la Résidence de Maryse Condé et Richard Philcox. A gauche: Les filles de Maryse Condé, Aïcha, Avocate, Sylvie consultante en développement et Leila Condé, assureur. Maryse Condé préside la table. A droite Richard Philcox et Serina Condé, fille d’Aïcha Condé.
Crédit photos : © Famille Condé.
Noël 2020, Maryse Condé et ses filles, Leila Condé à gauche et Sylvie Condé à droite.
Crédit photos : © Famille Condé.

OA – Avez-vous d’autres partenaires ?
SC 
– Nous sommes aussi soutenus par la Région et le Département avec qui nous gérons le Fonds Maryse Condé (1500 ouvrages), Cap Excellence , CIFORDOM, le Prix FET KHAN, Maryse Condé, CORECA, La Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, le Mémorial ACTE , l’UNESCO et la Francophonie. Outre les partenariats sur le fond et le mécénat, nous comptons sur le grand public pour adhérer à notre association. Nous avons en effet encore besoin d’aide. Nous possédons des équipements mais il nous en faudrait d’autres pour mener parfaitement toutes les activités que nous envisageons. C’est le cas du bistrot que nous souhaitons cosmopolite. Pensé comme un voyage historique et littéraire, nous le voulons à l’image de la passion de Maryse Condé pour l’art culinaire. Il demande donc des investissements.

OA – Que pense votre mère de la Kaz à Condé ? Est-elle partie prenante ?
SC 
– Maryse est très libre. Elle n’a rien demandé. Je lui ai dit que je voulais le faire. Elle a pris acte et accepté. Elle m’a, par contre, demandé de la rigueur et de rester académique. Elle une grande exigence intellectuelle. D’ailleurs, lors de l’inauguration nous avons privilégié les témoignages de représentants universitaires. Elle est d’accord avec la dimension grand public à condition qu’on soit tenu et guidé par la rigueur intellectuelle.

OA – L’on a souvent lu dans les interviews de Maryse Condé son rapport particulier à son île natale, voire une forme d’amertume, particulièrement à ses débuts.

SC – Il est vrai que son rapport avec la Guadeloupe n’était pas simple. Le début était difficile et elle revient souvent sur la question ; elle, l’enfant terrible de la Guadeloupe, passionnée, qui a toujours dit ce qu’elle pensait. Elle restait dans sa vérité ce qui n’a pas toujours été bien perçu… Toutefois elle a vu, notamment par mon témoignage, à quel point le pays avait changé, s’est ouvert. Elle a d’ailleurs dédié sont Prix Nobel alternatif à la Guadeloupe.

OA – Maryse Condé a longtemps vécu en Afrique, vous également. Pourquoi vous êtes-vous installée en Guadeloupe ?
SC 
– Mon métier est d’aider les pays à mobiliser des ressources pour leurs stratégies de développement. A un moment de ma vie, alors que je vivais en Afrique, j’ai décidé de partir pour connaitre la Caraïbe et j’ai trouvé mon premier emploi en Haïti. C’était en 2005. La Guadeloupe était ma base. Je m’y suis installée à la fin de ma mission. Maintenant je suis consultante pour les questions de développement dans les pays ACP et mon ancrage est resté en Guadeloupe. Je suis heureuse de vivre là où Maryse a grandi.

OA – Comment appréhendez-vous le trait d’Union entre la pensée de votre mère et vos activités ?
SC 
– J’ai été élevée par une mère fanonnienne qui avait reçu comme principale mise en garde de constamment questionner les postulats et mythes établis et de se mettre dans l’action. Et c’est précisément ce que je fais à travers mon métier. J’ai lu, dès le plus jeune âge, des auteurs qui m’ont montré

comment être engagée pour les populations. C’est très naturellement que j’œuvre aujourd’hui dans la gestion concrète des stratégies de développement. Je viens d’une lignée de femmes qui ont agi pour transformer le monde, à l’image de mon arrière-grand-mère, Victoire qui était une cuisinière hors pair – Maryse en parle dans son livre Victoire des saveurs -, de ma grand-mère qui fut la première institutrice de Guadeloupe puis de ma mère dont l’impact est considérable. Maryse Condé, comme beaucoup d’auteurs engagés, a toujours été obsédée par la recherche du bonheur des siens. Elle a été toute sa vie à la recherche de la vérité, de la justice et de l’émancipation des peuples opprimés.

OA – Parmi ses impacts, l’influence universa– liste…
SC 
– En effet avec Maryse nous avons commencé en Guinée, puis nous sommes installés au Ghana, en Angleterre, puis de nouveau en Guinée et Côte d’ivoire avant de faire nos études en France. J’ai ensuite travaillé en Côte d’ivoire puis en Tunisie, Haïti et enfin me voici en Guadeloupe… L’universalisme est notre crédo. Maryse Condé croit que les couleurs de peau et origines ne sont plus des facteurs déterminants d’union et de lutte. Elle croit plus à l’existence de classes sociales ou aux situations de domination. La Kaz à Condé permettra de mener des échanges constructifs sur la colonisation, les questions identitaires et la diversité ; de contribuer au rapprochement des peuples notamment afro-caribéens ayant une histoire commune. Elle stimulera, je l’espère, une coopération équitable.

OA – S’agit-il notamment de renforcer le pont entre la Guadeloupe et l’Afrique ?
SC 
– Tout à fait. L’association doit contribuer à ce pont. Je voudrais que ces territoires puissent échanger et avoir une relation bénéfique dans tous les domaines, notamment économiques et culturels. Nous comptons organiser des voyages dans des lieux à haute portée symbolique comme Cuba, Bahia au Brésil, la Guyane à la rencontre des Bushinengués, les villes d’Ouidah et d’Abomey au Bénin, l’Ile de Gorée au Sénégal, la Louisiane aux Etats-Unis ou Zanzibar en Tanzanie. A l’image du parcours de vie de Maryse Condé, la Kaz à Condé a l’ambition d’être une association ouverte sur le monde, un trait d’union entre les Antilles Françaises, la Caraïbe, l’Afrique et les États-Unis.

PLUS D’INFORMATIONS
https://kazaconde.org/
+590 690 37 72 83

View Comments (0)

Leave a Reply

Your email address will not be published.

© 2020 ON AIR MAGAZINE. Tous droits réservés - Mentions légales - Réalisation Agence QWAD
Scroll To Top