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Les Rythmes créoles et mélodieux du « Tout-monde » de Saïna Manotte

Les Rythmes créoles et mélodieux du « Tout-monde » de Saïna Manotte

Entre rythmes caribéens, africains, européens et sud-américains, la pianiste et chanteuse guyanaise Saïna Manotte ouvre une porte musicale sur le monde. Dans son premier album « Ki moun mo sa », elle livre une Pop kréyol tantôt douce tantôt dynamique, profonde par les mots.

ONAIR : Saïna Manotte vous étiez en concert le 2 octobre dernier au New Morning, une chance pour vos fans compte-tenu du contexte…

Saïna Manotte : En effet, ce concert organisé dans le strict respect des gestes barrières s’est tenu avant le 2e confinement, juste à temps ! Le public avait soif de vivre et très envie d’être là. Il est important pour nous artistes de continuer de faire rêver, de jouer de la musique, de permettre à la culture de vivre. En Guyane, le rendez-vous était pris pour le concert du 11 décembre.

OA : Vous avez sorti votre premier album en plein confinement…

SM : Je l’avais promis à ceux qui me suivent. C’est le travail d’un artiste que de créer en tout temps : nous devons nous adapter. Aujourd’hui je fais des interviews via zoom, je participe même à des émissions TV par écran interposé !

OA : La culture est-elle « de première nécessité » et essentielle selon vous ?

SM : Oui elle l’est ! La culture est nécessaire. Elle est un service public comme le pensait Malraux. Je milite pour cela. Par ailleurs, le contact est important. Pour qu’une société fasse corps, il faut que tout le monde puisse se retrouver, au cinéma, en spectacle, au théâtre…

Répétitions Concert New Morning, septembre 2020 – Crédit photo : Maxime Bureau

OA : Avez-vous grandi avec cette fibre ?

SM :
Ma mère est très sensible à l’Art. Elle m’a ouvert les portes de l’Art. On allait au théâtre presque tous les week-ends et on avait un abonnement au Théâtre de la Ville. Je dansais surtout dans les fêtes de famille. Un « coup de tambour » partait et je dansais ! (rire). L’amour des mots aussi m’a vu grandir. Ma mère m’a donné les clés pour aller plus loin dans le domaine artistique.

OA : Vous dansez, jouez et chantez depuis petite ?

SM :
J’ai commencé très jeune. Mes parents ont senti ce désir de m’exprimer. Ils m’ont inscrit à l’école d’orgue en Guyane et au chant chorale à 4-5 ans et ce jusqu’à 16-17 ans. Puis j’ai passé un master de Musicologie à l’université en région parisienne. Je me suis tournée vers le piano petit à petit. Côté danse, j’ai pratiqué la danse traditionnelle, le classique et le moderne-jazz. J’ai commencé à 3 ans avec les cours d’éveil corporel, sans m’arrêter, jusqu’au Conservatoire d’Evry. J’y ai suivi un cursus professionnalisant en danse contemporaine parallèlement à la musicologie.

OA : Vous vouliez faire de la danse une profession ?

SM : Je suis titulaire du Diplôme d’Études Chorégraphiques (DEC) mais le but n’était pas tant d’en faire mon métier. Je suis assez perfectionniste et surtout j’aime apprendre. C’était la suite logique de mon parcours en danse…

Ecriture, Paris janvier 2020. Crédit photo : Maxime Bureau

OA : Et concernant le chant, quand avez-vous commencé à en faire un métier ?

SM
: C’est en arrivant en métropole que j’ai commencé à rédiger des poèmes et des textes sur la Guyane et la famille. C’est comme cela que j’ai commencé à exprimer mon mal du « peyi ». Après mes études de musicologie, j’ai enseigné au collège. Mes proches m’ont stimulée et invitée à partager mes productions. Mon conjoint (ndlr: Maxime Manot’, également musicien et chanteur), les a mises sur internet et c’est parti comme ça. Il avait déjà ce désir d’en faire son métier. C’est ma rencontre avec lui qui fait qu’on m’a à mon tour découverte.

OA : Comment travaillez-vous ensemble ?

SM :
On s’apporte mutuellement beaucoup de choses. On enrichit chacun des propositions de l’autre. J’écris en créole car je suis très attachée aux sonorités traditionnelles. Il apporte un plus à mes chansons, une ouverture sur le Monde. Moi, je lui amène un peu de piment de Cayenne (rire). Au niveau technique, il est avec moi en studio. Je compose toutes mes chansons avec lui. On a cette chance de mélanger vie privée et vie professionnelle et on en fait un atout.

OA : Il se dit que vous faites tout, absolument tout ?

SM :
(rire) Oui, je travaille sur toute la chaine : écriture, composition, interprète et même les arrangements ! Je suis sur toute la chaine, jusqu’aux clips pour lesquels je tiens à apporter des idées, pas seulement chorégraphiques. Je veux que la personne qui regarde mes clips voyage vers la culture guyanaise.

Tournage clip « Ki moun mo sa », Saïna Manotte et ses danseuses : Gladys, Wilma, Thelma, Aurore, Ketura – Crédit photo : Maxime Bureau

OA : Dans « Ki moun mo sa » on vous voit très engagée…

SM :
En effet je suis féministe et engagée. Et je suis pour valoriser la culture de chacun. J’ai envie qu’un Breton soit fier de sa culture. Je ne veux pas d’une société lissée qui nie les différences ; on peut aimer l’autre même si on est différent. J’ai vu des Chinois dans mon public qui apprennent le Créole à travers mes chansons. On peut aller vers les autres en restant qui on est. C’est mon voeu pour la France qui a beaucoup à apprendre de ses territoires d’Outre-Mer…

OA : Quel enseignement pourrait porter la Guyane par exemple ?

SM :
J’ai vécu quelques années à Saint-Laurent du Maroni et j’ai côtoyé les populations autochtones. La Guyane peut servir d’exemple de cohabitation différente dans la paix… et pas seulement : La crise a mis en exergue les problématiques transfrontalières. Nous devons les prendre à bras le corps, en Guyane, comme ailleurs, en respectant l’autre dans ce qu’il est et dans ce qu’il apporte, humainement et culturellement. Toute personne porte en lui une richesse. C’est ce que ma musique chante.

Propos recueillis par Agnès Monlouis-Félicité

DISCOGRAPHIE DE SAÎNA MANOTTE

Saïna Manotte chante son premier titre Ti péyi-a comme « un cri dans la nuit » que le public Guyanais reçoit chaleureusement. Dans « San To » et « Demain peut être meilleur », elle tire la sonnette d’alarme sur la situation du territoire quelques mois avant les évènements de mars 2017. Depuis, l’artiste donne des rendez-vous musicaux sur les réseaux sociaux grâce à ses propositions originales, telles que le « medley kréyol », hommage aux chansons qui ont bercé son enfance, en duo avec Lova Jah. Le titre a été visionné des centaines de milliers de fois sur sa page Facebook. Ses premiers EP (Extended play, format plus long que le single) : « Poupée Kréyol » sorti en mars 2017, et « Poupée Kréyol II » sorti en 2018, sont des odes à sa féminité et à sa créolité, Concerts après concerts, Saïna Manotte renforce le lien tissé avec le public Caribéen. « Ki moun mo sa » est son premier album. Véritable parolière, elle se questionne au cours des titres de cet album. « Qui suis-je dans ma féminité ? Qui suis-je dans ma créolité ? ». Elle y joue une Pop résolument « kréyol » également aux couleurs de la chanson française, des rythmes africains et sud-américains.

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